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La Cour suprême maintient le régime des conjoints de fait au Québec

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La Presse Canadienne

2013-01-25 13:20:00

Les conjoints de fait n'ont pas droit à une pension alimentaire et au partage du patrimoine lors d'une rupture comme c'est le cas pour les couples mariés, a tranché la Cour suprême du Canada, vendredi, dans la célèbre cause "d'Éric et Lola".
Le plus haut tribunal du pays, dans une décision partagée, a jugé que le régime québécois des conjoints de fait est constitutionnel en totalité. Cinq magistrats ont ainsi conclu que le régime est valide, mais pour des raisons différentes.

C'est donc le statu quo pour plus d'un million de Québécois qui vivent en union libre.

Victoire pour Pierre Bienvenu qui défendait Éric
Victoire pour Pierre Bienvenu qui défendait Éric
Le jugement marque aussi la fin de la saga judiciaire d'Éric et Lola, un pseudonyme donné au couple à l'origine de cette affaire, afin de protéger leur identité. Lola ne pourra donc pas se servir de ce jugement pour soutenir ses demandes monétaires auprès du père de leurs trois enfants.

Pierre Bienvenu, l'avocat d'Éric, a déclaré vendredi que son client est satisfait de la décision et heureux que toutes ces années devant les tribunaux soient désormais derrière lui.

"Ce cas a été l'occasion d'un débat de société. Le résultat du jugement d'aujourd'hui est de retourner ce débat dans la sphère politique", a déclaré Me Bienvenu.

La Cour a en effet décidé que le choix des conjoints de vivre en union libre doit être respecté et qu'il ne serait pas justifié de leur imposer tous les droits et les obligations du mariage.

"Le législateur québécois n'impose ces régimes (du droit familial) qu'à ceux et celles qui, d'un commun accord, ont manifesté leur volonté d'y adhérer. Ce consentement doit être explicite et prendre la forme d'un mariage ou de l'union civile", est-il écrit dans le jugement.

Selon la Cour suprême, il n'y a pas discrimination, notamment car il n'y a désormais plus de condamnation sociale des couples qui vivent ensemble sans être mariés.

"L'Assemblée nationale du Québec ne privilégie pas une forme d'union par rapport à une autre (à) Le législateur ne procède qu'à la définition du contenu juridique des différentes formes d'unions conjugales. Il fait du consentement la clé de la modification des rapports patrimoniaux mutuels des conjoints. Il préserve dès lors la liberté de ceux qui désirent organiser leurs rapports patrimoniaux hors du cadre impératif légal", établit la Cour.

Car en l'absence d'obligation légale de fournir une pension alimentaire, les conjoints de fait au Québec peuvent signer un contrat qui régit tous les aspects de leur union. Mais bien peu le font.

C'est pourquoi l'avocat de Lola, Me Guy Pratte, trouve que l'argument du libre choix repris par la Cour suprême a ses limites.

"La réalité est que dans bien des couples qui vivent en union de fait, un des conjoints ne veut pas se marier ni signer une entente, et les gens ne connaissent pas leurs droits", fait-il remarquer.

Il croit aussi que la balle est maintenant dans le camp du législateur, qui ne peut pas écarter le fait qu'une majorité des magistrats de la Cour suprême ont jugé les articles du Code civil discriminatoires.

Défaite pour Guy Pratte qui défendait Lola
Défaite pour Guy Pratte qui défendait Lola
Dans une brique de 300 pages, cinq juges ont ainsi conclu que le régime des conjoints de fait est discriminatoire en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés _ et viole le droit à l'égalité _ mais que cette distinction faite entre les couples mariés et les non-mariés est toutefois justifiée dans notre société et que les articles du Code civil ne devaient pas être invalidés comme Lola le demandait.

Celle-ci avait intenté la poursuite pour obtenir de la part de son ex-conjoint millionnaire une pension alimentaire pour elle-même, et un partage du patrimoine familial à hauteur de 50 millions $.

Lola avait été déboutée par la Cour supérieure mais la Cour d'appel du Québec lui avait donné raison en partie, jugeant que la loi crée une distinction injuste entre les conjoints de fait et les couples mariés. Elle avait ainsi invalidé l'article 585 du Code civil sur l'obligation de fournir une pension alimentaire au conjoint défavorisé après une rupture.

Le couple à l'origine de ce roman-fleuve a vécu ensemble pendant sept ans. Leur relation a commencé alors que Lola n'avait que 17 ans et n'avait pas terminé ses études secondaires. Éric avait 32 ans et était un homme d'affaires prospère. Pendant leur vie commune, Lola n'occupe pas d'emploi malgré quelques tentatives pour entreprendre une carrière de mannequin. Elle accompagne régulièrement son conjoint millionnaire dans ses voyages à travers le monde. Ce dernier pourvoit à tous ses besoins et à ceux des enfants.

Mais ce qui avait des allures de contes de fées tourne au vinaigre. Madame souhaitait se marier, mais pas Monsieur. Celui-ci disait ne pas croire à cette "institution".

Lorsqu'ils se séparent, elle formule ses demandes à son ex-conjoint qui n'est pas d'accord. L'homme octroyait déjà une pension pour les enfants _ plus de 400 000 $ par année _ et a donné à son ex-conjointe l'usage d'une luxueuse demeure de 2,5 millions $, tout en demeurant le propriétaire. Éric va aussi payer le salaire de quatre domestiques _ deux nounous, une cuisinière et un chauffeur _ et assumer tous les frais de scolarité des enfants.

Beaucoup de groupes, notamment ceux qui visent à protéger les droits des femmes, sont intervenus pour que les couples en union libre soient protégés comme les couples mariés. Ils s'inquiétaient notamment du fait que les femmes, qui sont restées à la maison pour prendre soin des enfants, soient défavorisées financièrement après une rupture. Une situation qui a fort souvent des répercussions sur les enfants qui se retrouvent aussi en situation de pauvreté.

C'est pourquoi la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec s'est déclarée déçue du statu quo confirmé par la Cour suprême.

Ce jugement fortement divisé "laisse par contre la porte ouverte pour continuer à faire valoir notre point de vue et exiger des changements", a conclu la directrice générale de l'organisme, Sylvie Lévesque.

Pour lire le jugement complet, cliquez ici.

Pourvois du Procureur général du Québec et de B accueillis, pourvoi de A rejeté, les juges Deschamps, Cromwell et Karakatsanis sont dissidents en partie quant au résultat et la juge Abella est dissidente quant au résultat.

Procureurs de l’appelant/intimé le procureur général du Québec : Bernard, Roy & Associés, Montréal.
Procureurs de l’appelante/intimée A : Borden Ladner Gervais, Montréal.
Procureurs de l’appelant/intimé B : Norton Rose Canada, Montréal; Suzanne H. Pringle, Montréal.
Procureur de l’intervenant le procureur général du Nouveau‑Brunswick : Procureur général du Nouveau‑Brunswick, Fredericton.
Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Alberta : Procureur général de l’Alberta, Edmonton.
Procureurs de l’intervenante la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec : Garneau, Verdon, Michaud, Samson, Québec.
Procureurs de l’intervenant le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes : Martha McCarthy & Company, Toronto; O’Hanlon, Sanders, Teixeira, Montréal.
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